Traduction de l’adresse du discours de Nnenna Nwakanma au nom de la société civile à e la NetMundial

Adresse de Nnenna Nwakanma, Coordonnateur régional pour l’Afrique, Fondation World Wide Web

Représentant la société civile, pour le monde entier. [@nnenna ]

Vos Excellences,
Collègues, présents et à distance,
Mesdames et Messieurs,

Bom dia !

Moi, c’est. Nnenna. Je viens de l’Internet. Je suis aussi membre de diverses équipes et réseaux de la société civile au premier rang desquels la Fondation World Wide Web où nous sommes engagés dans l’Alliance pour Internet abordable, dans la campagne « le Web que nous voulons », dans le Web Index et dans l’Open data. Je travaille à établir un Web ouvert, en tant que bien public mondial et droit fondamental, en veillant à ce que tout le monde puisse y accéder et l’utiliser librement. C’est ce que je fais dans la vie.

J’évolue également au sein de la plate-forme de la société civile Best Bits, au sein du Caucus pour la gouvernance de l’Internet depuis 12 ans et au sein du Forum africain sur la gouvernance de l’Internet. Pour moi, le NetMundial, en nous invitant à prendre un regard critique sur les principes et la feuille de route de l’avenir de la gouvernance de l’Internet, permet de soulever des questions essentielles pour aller de l’avant :

La première est l’accès

Constatons que deux tiers de la population mondiale n’est pas connecté à Internet. Constatons que le taux de pénétration de l’Internet dans les pays les moins développés est d’environ 31%. Constatons que, en Afrique, ce chiffre tombe à 16%. Dans les 49 pays les moins développés du monde, plus de 90% des individus ne sont connectés. Un milliard de personnes vivent avec un handicap. 80% d’entre elles vivent dans les pays en développement. Chacune de ces personnes mérite d’avoir accès : accès à l’information, accès aux bibliothèques, accès à la connaissance, accès à un Internet ouvert et accessible.

La seconde question est celle de la justice sociale et économique

L’Internet devient le moteur principal de la création de richesses. Le « droit au développement » doit inclure la justice sociale. Il ne suffit pas de mener rapidement des campagnes de « renforcement de capacités » pour quelques-uns d’entre nous. Il s’agit de mettre en œuvre un processus incluant le plus grand nombre de personnes, intégrant et entendant le plus grand nombre de voix, conviant le plus grand nombre de talents à la table de l’innovation, en aspirant à la créativité et l’épanouissement des esprits les plus florissants. Pour cela, nous devons considérer l’Internet comme un bien commun.

La troisième est la liberté et les droits humains

Je vous invite à écouter une personne pour laquelle j’ai un grand respect qui s’exprimait à la tribune lors de l’Assemblée générale des Nations-Unies, à New York, le 24 septembre 2013.

Souhaitez-vous entendre son message ?

« Je ne peux que défendre, de la façon la plus intransigeante qu’il soit, le droit des individus à la vie privée. Tant que ce droit à la vie privée n’est pas respecté, il ne peut y avoir de véritable liberté d’expression et ni liberté d’opinion, et de fait, pas de démocratie réelle. »

C’était Dilma Rousseff.

Excellences, Mesdames, et Messieurs, en dessinant les voies futures de la gouvernance de l’Internet, nous devons assurément considérer au moins trois points essentiels :

Au premier plan, la participation

Nous sommes partis du principe que, tous, nous avons une place, un rôle à jouer, une contribution à partager. Plus nous avons avancé dans le temps, plus nous avons constaté que l’approche multipartite perdait de son sens et devenait confuse. Le temps est alors venu de revisiter ce concept. S’il nous faut définir à nouveau la notion, ou la mettre à jour, alors, faisons-le :

• C’est à nous d’engager toutes les parties prenantes au niveau mondial, régional et national
• À nous de respecter et valoriser les contributions de toutes les parties prenantes
• À nous de favoriser la participation importante et significative des pays en développement et les groupes sous-représentés.

Deuxième point, celui des ressources

Comment s’assurer que les ressources soient disponibles, mobilisées et maintenues dans une optique de gouvernance de l’Internet pérenne ? La question ne se pose pas simplement au niveau mondial, mais prend tout son sens au niveau régional et national. Quelles ressources allons-nous engager ? Mon sentiment est que l’Internet devrait être en mesure de fournir ses propres ressources, pour sa propre gouvernance. Peut-être ici, devrions-nous nous pencher sur la répartition d’une partie des gains liés à la vente des noms de domaine.

Le troisième point est le changement

NetMundial nous offre l’opportunité de changer, de faire les choses autrement. Saisissons-la. Engageons-nous à un changement :

• Du processus détourné par une seule partie prenante vers un processus ouvert et inclusif
• De l’approche directive des hauts dirigeants à une réelle collaboration
• Des rapports de synthèse à la transparence
• Du pouvoir à la responsabilité
• Des monologues aux dialogues, échanges et débats
• À quitter la rhétorique de la cyber-guerre pour la notion d’Internet pour la paix
• À quitter les cyber-menaces pour la solidarité numérique

Et ces valeurs, je le crois, nous guideront dans la transition de l’IANA.

Nnenna Nwakanma, NetMundial, São Paulo, 23 avril 2014. Cl. Dom Lacroix

Mesdames et Messieurs, s’il est un message que je dois vous délivrer aujourd’hui, c’est celui de la confiance. Nous sommes au Brésil parce que nous avons confiance en la Présidente Dilma Rousseff. Nous faisons confiance au processus NetMundial. Nous avons confiance en l’approche multipartite du Forum brésilien de la gouvernance de l’Internet. Nous avons suivi la conduite et l’évolution du Marco Civil et nous félicitons tout le peuple Brésilien.

La confiance que nous avons dans le Brésil est celle qui est nécessaire à tous les niveaux pour le futur de l’Internet. Cette confiance, détruite par la collecte, le traitement et l’interception de nos communications. La surveillance compromet la sécurité et la confiance en l’Internet, détruit la confiance dans le climat des affaires, et compromet les échanges diplomatiques. C’est pourquoi nous disons : « Non à la surveillance ».

• Le Web auquel nous pouvons faire confiance : c’est le Web que nous voulons
• Le Web qui contribue à la paix : c’est le Web que nous voulons
• Le Web ouvert et inclusif : c’est le Web que nous voulons

L’Internet, celui des possibilités, de la justice sociale, du développement et du respect à la vie privée et aux droits de l’homme : c’est pour cet Internet-là que je suis ici.

Mesdames et Messieurs,

Le NetMundial est la Coupe du monde de la gouvernance de l’Internet :

• Nous avons besoin d’un stade robuste et performant : ce sont les infrastructures
• Tout le monde doit apprécier le jeu : c’est la participation
• Les fans ne devraient pas être victimes de discrimination : c’est la neutralité du net
• Chacun est libre de supporter son équipe. Je supporte le Nigéria, la Côte d’Ivoire et le Ghana. Je supporte également le Brésil — dès lors qu’il ne joue pas contre un pays africain.
• Les fans peuvent porter leurs tenues respectives : c’est ça le respect de la diversité
• Nous devons connaître les règles du jeu et les respecter : c’est la transparence

Il n’est donc pas simplement question de pouvoir et de contrôle pour les gouvernements.

Il n’est pas simplement question des intérêts et enjeux pour l’industrie, de noms ou chiffres pour les communautés académiques et techniques, de « pour » ou « contre » pour nous, de la société civile.

Il s’agit d’humilité. Cette humilité qui nous permet d’écouter toutes les voix est indispensable pour un dialogue authentique. Parlons-nous plutôt que l’un de l’autre. Parfois, en tant que partie prenante, nous pouvons avoir tendance à nous écouter nous-mêmes, sans entendre ce que les autres ont à dire.

Mesdames et Messieurs, juste avant de retourner à ma place, je voudrais aussi dire que demain, c’est la journée « Femmes et TIC ».

Permettez-moi de dire ceci : les filles, c’est à nous de saisir l’Internet et dynamiser le monde. C’est à NOUS de NOUS conduire et nous amener dans le monde numérique.

Je voudrais ici rendre un hommage particulier aux femmes de mon équipe de la  Fondation Web

• Alexandra Groome
• Renata Avila
• Sonia Jorge
• Anne Jellema

Et ces femmes qui, à travers le monde, travaillent sur les questions de gouvernance de l’Internet :

• Deborah Brown aux États-Unis
• Marianne Franklin en Europe
• Anja Kovacs en Inde
• Valeria Betancourt en Amérique latine
• Anriette Esterhuysen en Afrique
• Joy Liddicot en Nouvelle-Zélande
• Salanieta, loin, loin, dans les îles Fidji

Et nos merveilleuses femmes au Brésil :

• Joana Varon
• Carolina Rossini

Mais, non, ce n’est pas qu’une concorde féministe. Il y a tous ces hommes qui dépensent de l’énergie, passent énormément de temps, développent des ressources… qui risquent leurs vies, pour que nous puissions bénéficier d’un Internet dynamique, libre, ouvert et performant.

À vous tous, pour tous ceux qui travaillent… à tous… comme Edward,  Edward Snowden, merci.

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Traduction française par Yves Miezan Ezo

Texte original en anglais sur le site de la Fondation World Wide Web

Texte publié sur http://reseaux.blog.lemonde.fr/2014/04/24/netmundial-discours-nnenna-nkakanma/